mercredi 22 avril 2020

Souvenirs d'un Viry Chatillon d'autrefois

Une de nos écrivantes m'a permis de diffuser son texte sur un Viry-Chatillon disparu !

Souvenirs d'enfance au doux parfum nostalgique.


Voyage dans le temps par Chantal Mameli-Ducauquy
J'ai passé mon enfance chez mes grands-parents à Viry Châtillon dans les années 50. Ce n'était pas la campagne, cette ville comptait déjà 13 000 habitants. Rue Emile Zola, petit pâté de maisons entouré de quatre rues, dont je connaissais presque tous les résidents.
A l'époque les jardins étaient utiles. Le potager prenait toute la place. Haricots verts grimpants, groseilles, rhubarbe, oseille, carottes, pommes de terre, citrouilles, fraises et salades occupaient tout le terrain, abrités par des arbres fruitiers. Nous n'avions que les allées pour jouer. J'avais une copine, Françoise, qui habitait l'autre coin de rue. Elle venait me chercher en criant mon prénom près du portillon. 
« Oui, j'arrive ! À quoi on joue aujourd'hui : vélo, poupées, craies et palet pour marelle, corde à sauter, petites balles ? » 
Nous jouions sur la route. Pas de danger parce que pas de voiture. Juste celle de monsieur P. qui rentrait le soir avec sa traction noire. Il roulait à dix à l'heure et klaxonnait du bout de la rue. Chez mes grands-parents, pas d'eau chaude, pas de salle de bain, pas de chauffage central, pas de frigo. Sur l'énorme cuisinière à charbon, une grosse marmite tenait l'eau au chaud. Des salamandres dans les chambres assuraient un minimum de chaleur pour la nuit. Je m'endormais en regardant rougeoyer le foyer. Le lundi, la lessiveuse en zinc, dans la cuisine, bouillonnait et crachait son mécontentement, dégageant une odeur dont je me souviens encore. Ensuite, dehors, hiver comme été, il fallait frotter le linge sur une planche à l'aide d'une brosse et après rincer encore et encore et encore.
Je me souviens de matins d'hiver ou les vêtements étaient raides gelés sur la corde à linge. 
« Ne touche pas, tu vas les casser ! »
Dans la cave, il y avait un garde-manger, sorte de petit meuble en bois à la porte grillagée, où était conservée la nourriture fraîche. L'été, la boisson était tenue au frais dans un seau descendu dans le puit à l'aide d'une corde. 
Chaque matin, la camionnette du crémier s'annonçait en klaxonnant et offrait l'occasion de petites réunions entre voisins. Le marchand de peaux de lapin, avec sa charrette, passait de temps en temps récupérer les fourrures. Tous les enfants caressaient le cheval qui affectait un air blasé. Passait aussi le rémouleur avec son cri particulier. Ma grand-mère lui confiait ses énormes ciseaux noirs de couturière. 
Ces temps sont révolus, presque anciens, un peu plus de 60 ans et nous sommes sur une autre planète. 
Chantal Mameli-Ducauquy (Tout est vrai).